Dakar 2003 : Newsletters

Sat 05 April 2008

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Au mois de mai, les membres d’Afric’Edu, association d’étudiants lyonnais, acceptaient que je les suive dans la réalisation de leur projet d’ « aide au développement ».

Quelques jours avant, je réalisais les interviews d’« avant voyage » où tous me confiaient leurs craintes et surtout leurs attentes. Ils s’étaient investis pendant un an. L’inconnu effraie toujours mais l’excitation les enveloppait palpable. Au-delà du projet, le voyage résonnait autrement, bien plus. Un désir profond de rencontres, d’échanges humains avec un peuple, une culture, le Sénégal, l’Afrique. Les espérances n’étaient pas les mêmes mais tous cherchaient un ailleurs, autre chose.
Je les retrouvais à l’aéroport Léopold Sedar Senghor de Dakar. Leur atterrissage était prévu à trois heures du matin.

Les Newsletters qui suivent sont celles que j’envoyais chaque semaine pour informer partenaires, famille et amis de l’aventure africaine de ces douze « toubabs ».

Newsletter 1. Semaine du 23 au 28 juin.

Diam’n gen wa Dakar...

_Nouvelles d’une première semaine mouvementée._
Première réunion avec les membres partenaires de l’association Bokk Jang / Bokk Jef, récupération du container, visite chez les officiels locaux, découverte des deux futurs centres de formation et…l’équipe démarre activement la réalisation du projet.
Et tellement de décalages, d’images, de « claques » qui vous laissent songeur les soirs aux abords de son carnet, allongés sous les moustiquaires.
Et puis à côté, oui juste à côté, l’accueil de Magatte Sy, doyenne du quartier qui nous héberge, son dynamisme, sa chaleur et son sourire. Les repas, tous ensemble, assis en cercle dans la cour sur une natte. Ces deux grandes assiettes creuses pleines de nourriture qui ne cessent de se remplir.
Tous ces sourires, ses mains fermement serrées, ces « Nanga def », comment ça va ?Les gamins du quartier que les photos amusent, mille portraits à faire.
Enfin, peu à peu, chacun prend ses marques et Dakar l’impressionnante se dessine.
Tous les jours, les étudiants la traversent, s’arrêtent, déambulent, s’y baladent. Il y a les routes, entre goudron, sable et poussière, sans aucun panneau de circulation, cette circulation effarante sans aucune règle. Ces détritus entassés sur le bas côté, la misère. Malgré la foule inquiétante qui sans cesse vous aborde, il reste cet étrange sentiment de bien être, de sécurité. Ici, la chaleur n’est pas qu’une question de température. Ici, le temps est différent, les montres ne se nouent plus aux poignets mais dans les sacs et dans les placards. Ici, les jours se comptent aux cachets de Savarine…

Premier objectif, sortir le container…

Parcours Initiatique dans l’administration sénégalaise
Quand Jean et Bertrand arrivent samedi, le container est bloqué dans les entrepôts du transitaire MAERSK. Pendant trois jours, accompagné de Magatte, ils vont de bureaux en bureaux, serrer mains et mains, rencontrer telle ou telle personnalité. Ambassade française, bureau des douanes, ministère du développement social. Un périple administratif de trois jours en plein Dakar. Du mouvement, beaucoup de mouvement…

Malgré les démarches commencées en France, l’envoie de nombreuses lettres aux officiels, de dossiers, les destinataires ne sont pas tous au courant. Lettres égarées ou atterries ailleurs…
Après deux jours de démarches solennelles, le problème se règlera finalement de façon moins officielle mais plus efficace. Le colonel de la direction des douanes et le transitaire habitent tous dans la cité où les étudiants logent. Mardi matin, Bertrand et Jean rendent donc visite au colonel des douanes, à quelques mètres.
Dynamique et encourageant, il est enthousiasmé par leur projet. Depuis quelques années, le gouvernement sénégalais pratique une politique d’ouverture aux nouvelles technologies. Les frais de douane du matériel informatique sont d’ailleurs moins élevés que ceux des denrées alimentaires.
De retour, nous allons voir le transitaire, il lance le dédouanement, trois heures après Bertrand et Jean apportent l’argent en liquide. Mercredi, le container est amené dans le quartier. Efficace, rapide, grâce à la motivation et le dynamisme de quatre personnalités bien placées nous obtenons le container. Gros soulagement lisible sur les visages.

Première rencontre Bokk Jang / Afric’Edu
Mardi, première rencontre avec tous les membres de l’association Bokk Jang, partenaire locale du projet. La réunion a lieu dans les locaux de l’entreprise informatique de Madame Sylla, en plein Dakar. Magatte Sy, chez qui certains logent, préside la réunion.
Ils ont préparé un planning serré pour les étudiants d’Afric’Edu. L’installation des deux centres doit être réglée avant le 30 juin afin de démarrer la formation.
La cérémonie officielle d’ouverture des centres est prévue pour le 5 juillet en présence des personnalités locales et de la presse.
Pendant trois semaines, les étudiants d’Afric’Edu se scinderont en deux équipes pour familiariser des « formateurs » locaux volontaires aux logiciels informatiques et à la maintenance du matériel, du réseau. Le choix du système d’exploitation demeure encore indécis. Petite préférence pour Linux bien que peu répandu. Ses licences sont gratuites.
Bokk Jang attend beaucoup de la formation. De retour chez eux, les dix se sont mis à bûcher fermement leurs manuels de fonctionnement. L’image fait sourire, ils travaillent sur la formation dans la cour, assis en tailleur ou étendus au soleil sur les nattes…

Réception du Container…
Les étudiants étaient en train de manger assis en cercle quand le colonel à franchit l’entrée de la cour. « Le container arrive dans une demi-heure… ». Rapidement, tous s’activent, excitation et crème solaire sur les visages, il faut décharger les ordinateurs en plein soleil. Ouverture des portes du camion. Tout est là même le mouchoir de Jérémy abandonné à Lyon.
Certains gamins du quartier, filles et garçons, nous aident à le décharger. Les plus petits s’amusent à porter des cartons qui font la moitié de leur taille. Aller retour incessant mais amusé dans la maison d’un habitant qui nous prête une pièce pour entreposer les ordinateurs. Fin du déchargement autours de bouteille de coca, photos, les gamins accourent pour être dessus. Ils se voient sur l’écran, ça les éclate…
Cette petite parenthèse permet de sympathiser avec les habitants du quartier. Désormais, certains viennent jouer chez Madame Sy qui nous logent. Partie de foot dans le sable devant la maison. Conversations tardives, échanges.

Visite des deux centres….
Nous gagnons les quartiers en taxi. Dix francs la course. Traversons la ville de Dakar pour se rendre dans le quartier de HANN puis de FASS. Le local mis à disposition dans le quartier de HANN appartient à l’ONG ORT-SEN. Un centre où école maternelle, ateliers de coutures et bureaux administratifs sont regroupés. Nous allons déloger le maire pour installer la salle de formation et le cybercafé.
Fass est un quartier plus populaire. « Construit sur une plage… ». Il n’y a que du sable, les immeubles sont bas et les maisons blanches.

PHOTOGRAPHIES « GRAND-ANGLE »

Une arrivée en Afrique…
Un rectangle de douane grillagé côté hall de l’aéroport, de larges vitres côté rue. Des mains, des poignées, des sourires à la peau tannée par le ciel. Méfiez-vous, mon frère, méfiez-vous. Un nouveau vol arrive d’Europe, la foule s’agglutine aux grilles du rectangle des douanes. A plus à peine plus d’un mètre de distance de la rue, des alignements de barrières bien gardées par le Service pour la Sécurité des Touristes.
Dakar se tient là, derrière ça, plus très loin. La ville vous appelle, vous happe, cette foule des « rend services » qui guète les « toubabs », touristes blancs, pour les aider, moyennant finance, avant qu’ils ne se cloîtrent dans leurs taxis.
« Tu veux une adresse, t’es français ? ». A peine émergés des longues heures de voyage, séchés par la chaleur épaisse et soudaine à la descente de l’avion, les arrivant s’éveillent doucement Les yeux grands ouverts, éberlués par cette masse qu’ils traversent. « Tiens, je te porte tes bagages. Tu veux téléphoner ? Viens! Je t’emmène téléphoner, suis-moi… ». La tête vous tourne. Les étudiants d’Afric’Edu hallucinent et sortent deux par deux du hall de la douane. Il s’agit que l’on se regroupe. Guillaume, Jeh et Papa sortent les premiers. On leur fait signe, ils nous ont vu. Les visages se décrispent. Une claque dans la tête. Autours, des mains veulent empoigner les bagages, aider à porter. « Non, c’est bon, merci, on n’a besoin de rien…. » Guillaume s’est fait avoir. « Eh, il part où avec ma valise…. » Pas loin… Ca braille, ça propose, empoigne gentiment, interpelle. Les premiers mots de Wolof résonnent. Premières sonorités. « Comment tu t’appelles ? On vient te chercher ? » Oui, nous venons les chercher. Berti et Jean sont là, à Dakar depuis samedi. Cheikh (prononcer cher) le chauffeur de madame Sylla nous accompagne. Ils traversent la rue pour les aider ramener leurs bagages. Vite, ça va vite.
Tout le monde est là. Au milieu des sacs, tous assis sur le rebord d’un trottoir, chacun reprend ses esprits et son souffle. « J’y crois pas on est tombé où… » sourit Papa. Romain me demande, « On peut faire confiance à qui là ? vous connaissez qui ? ».
« C’est Sénégal ! » répond souriant Abi, un rasta avec ses dreads et drapé d’une longue toge. Impassible, il est assis au beau milieu des dix posés en tas. Il discute avec chacun. Deux autres échangent, demandent si l’on désire un taxi. Ils sont rapidement cinq à vouloir nous aider. Cheikh se démène à en trouver deux, il négocie avec eux. « Ici, il n’y pas de boulot et on veut pas voler. Donc tu comprends, il faut que l’on vive… Je passe toute la nuit à l’aéroport… oaui, t’aurais rien pour ton pote… Allez après tout ce que je viens de te dire ». Puis quand Abi nous laisse un autre reprend. « Ici, c’est la porte d’entrée de l’Afrique… tous les Africains viennent y chercher du boulot. Ivoirien, malien…». Jérémy discute avec eux, les interrogent. Puis dans le taxi, Guillaume raconte. « J’adore ! Le gars, il me dit : nous les Sénégalais, on colle mais on ne pique pas. La phrase est terrible !».
Oui, c’est ça Sénégal, ces contacts humains exubérants auxquels nous ne sommes pas habitués. Ces échanges, parfois intéressés, mais derrière lesquels s’esquisse une véritable chaleur, profonde, de corps, de mentalité… de culture.

Quartier Bel air, l’avancé dans la baie de Hann

Nous logeons dans le quartier résidentiel de Bel air, aux abord de la baie de Hann, à trois quarts d’heure à pieds de la place de l’Indépendance, centre de Dakar. Une enclave fermée par une barrière, surveillée par un gardien en uniforme. Bertrand et Jean dorment dans la maison de Madame Sylla, présidente de l’association Bokk Jang. Le reste du groupe est chez Magatte Sy, doyenne du village et membre de l’association. Nous sommes chaleureusement accueillis. Les moustiquaires fermement tendues et bordées sous les matelas. Certains dorment dehors. Un souffle frais souffle du large. Un quartier aisé vraiment paisible.

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