Dakar 2003 : Newsletter 2

Sat 05 April 2008

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Newsletter 2. semaine 29 juin au 6 juillet.

Fass Delorme. Hann Bel-Air. Parcelles Assainies.

Trois quartiers loin bien loin des endroits les plus visités de la capitale. Quartiers populaires plus ou moins récents, plus ou moins pauvres, éloignés des bâtiments administratifs, des arcanes de la place de l’Indépendance où banques et bureaux trônent bien gardés, loin du centre « officiel » grouillant et chaotique. Plus proche des maisons basses et blanches aux fondations ensevelies dans le sable, des chèvres qui beuglent dans les rues, au cœur même des habitations, de cette chaleur et de cette spontanéité sénégalaise, la teranga des Lions. Cette même envie de partage de culture, de langues, de traditions… Cette semaine, Thibaud, président d’Afric’Edu et Madame Sylla, présidente de l’association Bokk Jang ont rejoint les équipes. Les étudiants ont terminé l’installation du matériel à Fass Delorme, à Hann Bel-Air et attendent les réparations et l’aménagement des Parcelles pour l’équiper. Entre gros coups de speed, petites fatigues et la nécessité de clarifier les incompréhensions, ce fut une semaine chargée et parsemée de réunions… Afric’Edu a sélectionné les six formateurs de chacun des centres. L’inauguration du premier centre, samedi 5 juillet, à Fass Delorme fut une véritable réussite. Maimouna Sourany Ndir, Ministre du Développement Economique et Social, est venue saluer l’initiative des étudiants d’Afric’Edu. Elle a également affirmé son soutien à Bokk Jang/ Bokk Jëf et promet de débloquer 1 million de francs CFA pour soutenir leur action. Les étudiants continuent de vivre Dakar, de respirer Dakar, de baigner dans Dakar mais Dakar use. Les orages abondants qui éclatent certaines nuits (Saison humide oblige…) et qui « marrent » de flaques la ville rafraîchissent un temps les esprits. Et notre supplément week-end !!! Retour à l’Université Gaston Berger, première structure équipée par Afric’Edu en 2000.

Fass Delorme, au cœur de Dakar, quartier aux portes ouvertes

Dès samedi, les étudiants d’Afric’Edu chargent le matériel. Direction le quartier de Fass Delorme, premier centre disponible pour l’équipement. Magnifique traversée de Dakar, tassés au milieu des cartons à l’arrière du camion. « Toubab, Toubab… » s’esclaffent les passants… « Et oui, c’est nous les toubabs ! ». Dakar vue d’en haut, ses odeurs et ses vents. Eclats de rire, excitation, le camion chevrote, tremble, tente tant bien que mal de se tracer un sillage dans la circulation grouillante, abondante. Coups de klaxons, taxis, « calèches sur pneus » tirées par un cheval, vendeurs à la sauvette. La foule en effervescence. Les étudiants gagnent Fass Delorme, qui, selon ses habitants, est le « véritable Cœur de Dakar ». Quartier populaire, traditionnel. Ici, tout le monde semble se connaître. A leur arrivé au Centre Social, les gamins accourent, les aident à décharger. Les responsables du centre sont là aussi. Immense chaîne humaine et photos. Hurlements joyeux, enthousiasme d’un quartier qui nous attendait. Les gamins viennent un par un serrer les mains. Timides, amusés de voir tous ces Toubabs. Ils s’emmêlent entre eux, veulent être pris en photos, s’avancent, font quelques pas puis filent se planquer… Fass Delorme est un quartier traditionnel et populaire à deux pas de la Médina. Blocs de maisons basses aux façades usées, décrépies. Entre de larges routes ensablées, bordées de minuscules baraques -coiffeurs, épiceries, restos « bouibouis » et milles ruelles étriquées qui mènent à une succession de cours intérieures que l’on traverse. Le linge y sèche. Il y a aussi tous ces tas… de cailloux, de papiers, de sable. Un Endroit où il n’est pas courrant de voir déambuler douze « Toubabs ». Ca se lit dans les regards, sur les visages des habitants, debout sur le pas des portes, s’écoute dans la bouche des gamins qui s’arrêtent de jouer, un instant, les observent et hurlent en souriant « Toubabs, toubabs ! ». L’installation du matériel prend plusieurs jours. Il s’agit de régler les problèmes d’électricité, de tables, de chaises et de climatisation. Il fait plus chaud à l’intérieure qu’à l’extérieure. Les ventilateurs tournent sans cesse. Les câblages et amas de fils électriques baignent dans la sueur. L’équipe responsable du centre, Romain, Nicolas Ortiou (dit Papa), Nicolas, Jérémie et Julien travaillent d’arrache pied à ce que la salle soit prête pour l’inauguration de samedi.

Hann Bel-Air : salle de classe deviendra salle de formation.

Autre quartier, autre ambiance. Le second centre est hébergé par l’ORT-SEN, une ONG consacrée à l’Education, partenaire de Bokk Jang et propriétaire de plusieurs annexes dans Dakar. Un quartier de terre et de taule plus que de pierre et de sable. Autres couleurs, autres odeurs. L’annexe d’Hann Bel-Air est accolé à une large route maigrement goudronnée, en face des citernes Mobil. Il suffit de faire quelques pas, de rentrer plus en profondeur, pour découvrir des maisons de pêcheurs, une large plage, la mer. Les pirogues se dispersent par centaine, ancrées au sable, au milieu de papiers gras, d’amas de poissons morts et déchets de toute sorte. L’annexe d’Hann accueille déjà un atelier couture, le bureau du maire de la commune, un dispensaire et une école maternelle. La direction de l’ORT-Sen a mis une salle de classe à la disposition d’Afric’Edu- Bokk Jang. Aux murs, empruntes bariolées de mains minuscules, au sol, petites tables et chaises sur lesquels Mathieu, Jean, Bertrand, Guillaume puis Thibaud épluchent les premiers CV des personnes intéressées par la formation. Au devant, un tableau noir trône où figure, tracé la craie, l’alphabet Wolofs. Une bonne vieille affiche pour un dentifrice, gondolée aux coins et jaunis par l’humidité est affichée au fond. Les étudiants d’Afric’Edu aménagent la salle et commencent l’installation. Imaginez une large cours d’école, les gosses qui se collent aux vitres, observent curieux les Toubabs. Le bruit des hurlements, quelques chansons saisies au vol, claquements des pas des institutrices… La salle d’Hann Bel-Air ne sera pas permanente. Les enfants sont en vacances, elle sera utilisée le temps de la formation puis re-déménagement dans une salle cette fois-ci permanente. Malgré quelques démêlés et maintes palabres avec l’ORT-SEN, ONG partenaire de Bokk Jang, qui héberge le centre de formation et le cyber, madame Sylla et Afric’Edu ont posé les choses au clair. Les tergiversations n’ont finalement pas causé de ralentissement notable sur leur timing, simplement quelques inquiétudes. Afic’Edu s’est un instant vu devoir rapatrier tout matériel en une après-midi.

Sélection des formateurs…

Toute la journée de vendredi est consacrée aux entretiens avec les futurs formateurs. Ils sont une quinzaine en moyenne à postuler dans chacun des centres. Seuls six sont retenues avec le quota voulu de quatre filles pour deux garçons. Pour une fois, les étudiants se trouvent côté « employeur », rôle qu’ils ne semblent pas véritablement tous apprécier. 

Inauguration du Centre de Fass Delorme

Rendez-vous à 10 heures pour l’inauguration. Les membres d’Afric’Edu attendent une demi-heure, une heure… le temps sénégalais. Les invités arrivent les uns après les autres, l’assistance se remplie. Doucement. De plus en plus de bruit de fond, de monde, ne reste plus qu’à attendre l’arrivé du maire du quartier de Fass Delorme. Les journalistes sont là. Enfin, le maire prend place, s’assoie à gauche de Madame Sylla, en costume vert, cravate, une large paire de Rayban qu’il ne quittera qu’au moment de parler. Il est le seul à être habillé ainsi. Il paraît distant et ne pas franchement être concerné. Thibaud va parler. Il se tourne vers moi. « Là je commence un peu à flipper… ». Iba anime la cérémonie. Thibaud entame les remerciements puis les discours se succèdent. Monsieur Diop, parrain du projet d’Afric’Edu, le directeur du centre social, le chef du quartier, responsable de l’association des jeunes puis Madame Sylla. Acclamation, tonnerre d’applaudissements avant même qu’elle ne parle. Sûre d’elle, heureuse de voir se concrétiser le projet, elle salue le partenariat avec Afric’Edu, raconte l’origine du projet, les lenteurs, les obstacles et l’Aujourd’hui… Cette fois-ci, Nicolas Pallin se tourne vers moi…les yeux un brin rouge. Dans les mots, dans l’enthousiasme généré, l’émotion est palpable. Madame Sylla est soudainement interrompue. Enorme brouhaha de chaises, l’assistance s’agite, les yeux se tournent vers la rue. « Madame la Ministre est là… ». Madame le Ministre est effectivement là… Maimouna Sourang Ndir, Ministre du Développement Economique et Social, traverse l’assistance et vient s’asseoir aux côtés de Madame Sylla. Les discours reprennent… Le maire s’accapare la parole et en profite pour alpaguer le ministre. Il fait maintes promesses et justifie ses actions (A priori guère existantes…) par une foule de… contradictions. La tribune ne cesse de réagir. Nous apprendrons plus tard qu’il n'est guère apprécié. Madame le Ministre conclu la cérémonie. Elle affirme son soutien à Bokk Jang, salue l’initiative des étudiants d’Afric’Edu et fait une promesse de 1 million de francs CFA afin de garantir le fonctionnement de la structure. Heureuse surprise. Avant de repartir, elle visitera accompagnée de son garde du corps, les locaux fraîchement installés. Après deux semaines non-stop, les levés à 7 heures du matin, les rares couchés avant minuit, toute l’équipe est fatiguée. On s’accorde le lundi et le dimanche… une partie part pour Saint-Louis et l’autre pour les îles du Saloum. Histoire de prendre l’air, le large, de souffler un peu…

Retour à l’Université Gaston Berger, sur les traces des Anciens

Il y a deux ans, la bibliothèque de l’université Gaston Berger de Saint-Louis était la première structure à bénéficier de l’action d’Afric’Edu. L’équipe de cette année a fait un détour par le campus. Qu’est devenu le matériel ? Est-il toujours là ? Est-il toujours utilisé ? Petite visite surprise, histoire de voir ce qu’il en est. « Non, mais ça fait du baume au cœur. Le fait que cela existe toujours, que ce n’est pas été piqué… ». Un vaste campus au milieu de nul part avec des bâtiments disséminés aux creux de dunes de sable. Une verdure sèche où l’air est frais. Un bureau bien gardé. Visite chez le Chef de la Sécurité et de l’Environnement qui se souvient bien du projet. « Nous allons pouvoir donner des nouvelles à l’ancienne équipe. Je pense qu’ils seront contents de voir des photos et de se dire qu’ils n’ont pas fait ça pour rien et qu’au bout de deux ans ça existe encore… » Grève administrative, la bibliothèque est fermée. Le responsable de la sécurité accepte tout de même de nous y conduire. « …les mêmes postes ? ouais, ouais sûr. Des pentiums 60, enfin des 486 DX2 60 à mon avis. Ce sont de vieux PC, cela correspond bien à ce qu’il avait récolté il y a deux ans… » Longue montée de marches pour atteindre l’étage. Silence solennel. Mathieu et Guillaume reconnaissent le lieu aux photos qu’ils ont pu voir. La même salle, même piliers blancs au centre… même disposition des postes en L. Aucun doute. Seize postes bâchés d’une housse verte « Université Gaston Berger », disposés dans un angle. Sur chacun des postes, la première équipe avait collé des noms de villes. Elles y sont toujours. Les étudiants allument un ordinateur. A la vue du bureau, chargé d’icônes, le matériel demeure encore « copieusement » utilisé. « Nous avions su qu’il y avait quatre PC qui ne marchaient pas et dans le coin, nous en avons vu quatre PC…donc depuis deux ans ça n’a pas trop bougé. Ils n’ont même pas enlevé les quatre PC qui ne fonctionnaient pas… » Un détail… qu’importe, l’essentiel y est. Alors que les étudiants petit déjeunent dans un cabanon à deux pas de l’entrée, qu’ils échangent leurs impressions, trois étudiantes sénégalaise s’arrêtent, pas tout à fait par hasard, pour échanger. L’une d’elle nous explique que les postes de la BU restent les plus utilisés malgré l’implantation d’un CYBER-Centre sur le Campus. Il y a deux ans, Afric’Edu avait monté les postes sur un Modem, aujourd’hui, l’université les a connectés à l’ADSL. « Nous serons contents d’avoir la même chose, un jour ou l’autre en retour. Essayer de reprendre contact…savoir ce que cela devient… » conclu Thibaud.

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