Newsletter 2. semaine 29 juin au 6 juillet.
Fass Delorme. Hann Bel-Air. Parcelles Assainies.
Trois quartiers loin bien loin des endroits les plus visités de la
capitale. Quartiers populaires plus ou moins récents, plus ou moins
pauvres, éloignés des bâtiments administratifs, des arcanes de la place
de l’Indépendance où banques et bureaux trônent bien gardés, loin du
centre « officiel » grouillant et chaotique. Plus proche des maisons
basses et blanches aux fondations ensevelies dans le sable, des chèvres
qui beuglent dans les rues, au cœur même des habitations, de cette
chaleur et de cette spontanéité sénégalaise, la teranga des Lions. Cette
même envie de partage de culture, de langues, de traditions… Cette
semaine, Thibaud, président d’Afric’Edu et Madame Sylla, présidente de
l’association Bokk Jang ont rejoint les équipes. Les étudiants ont
terminé l’installation du matériel à Fass Delorme, à Hann Bel-Air et
attendent les réparations et l’aménagement des Parcelles pour l’équiper.
Entre gros coups de speed, petites fatigues et la nécessité de clarifier
les incompréhensions, ce fut une semaine chargée et parsemée de
réunions… Afric’Edu a sélectionné les six formateurs de chacun des
centres. L’inauguration du premier centre, samedi 5 juillet, à Fass
Delorme fut une véritable réussite. Maimouna Sourany Ndir, Ministre du
Développement Economique et Social, est venue saluer l’initiative des
étudiants d’Afric’Edu. Elle a également affirmé son soutien à Bokk Jang/
Bokk Jëf et promet de débloquer 1 million de francs CFA pour soutenir
leur action. Les étudiants continuent de vivre Dakar, de respirer Dakar,
de baigner dans Dakar mais Dakar use. Les orages abondants qui éclatent
certaines nuits (Saison humide oblige…) et qui « marrent » de flaques la
ville rafraîchissent un temps les esprits. Et notre supplément week-end
!!! Retour à l’Université Gaston Berger, première structure équipée par
Afric’Edu en 2000.
Fass Delorme, au cœur de Dakar, quartier aux portes ouvertes
Dès samedi, les étudiants d’Afric’Edu chargent le matériel. Direction le
quartier de Fass Delorme, premier centre disponible pour l’équipement.
Magnifique traversée de Dakar, tassés au milieu des cartons à l’arrière
du camion. « Toubab, Toubab… » s’esclaffent les passants… « Et oui,
c’est nous les toubabs ! ». Dakar vue d’en haut, ses odeurs et ses
vents. Eclats de rire, excitation, le camion chevrote, tremble, tente
tant bien que mal de se tracer un sillage dans la circulation
grouillante, abondante. Coups de klaxons, taxis, « calèches sur pneus »
tirées par un cheval, vendeurs à la sauvette. La foule en effervescence.
Les étudiants gagnent Fass Delorme, qui, selon ses habitants, est le «
véritable Cœur de Dakar ». Quartier populaire, traditionnel. Ici, tout
le monde semble se connaître. A leur arrivé au Centre Social, les gamins
accourent, les aident à décharger. Les responsables du centre sont là
aussi. Immense chaîne humaine et photos. Hurlements joyeux, enthousiasme
d’un quartier qui nous attendait. Les gamins viennent un par un serrer
les mains. Timides, amusés de voir tous ces Toubabs. Ils s’emmêlent
entre eux, veulent être pris en photos, s’avancent, font quelques pas
puis filent se planquer… Fass Delorme est un quartier traditionnel et
populaire à deux pas de la Médina. Blocs de maisons basses aux façades
usées, décrépies. Entre de larges routes ensablées, bordées de
minuscules baraques -coiffeurs, épiceries, restos « bouibouis » et
milles ruelles étriquées qui mènent à une succession de cours
intérieures que l’on traverse. Le linge y sèche. Il y a aussi tous ces
tas… de cailloux, de papiers, de sable. Un Endroit où il n’est pas
courrant de voir déambuler douze « Toubabs ». Ca se lit dans les
regards, sur les visages des habitants, debout sur le pas des portes,
s’écoute dans la bouche des gamins qui s’arrêtent de jouer, un instant,
les observent et hurlent en souriant « Toubabs, toubabs ! ».
L’installation du matériel prend plusieurs jours. Il s’agit de régler
les problèmes d’électricité, de tables, de chaises et de climatisation.
Il fait plus chaud à l’intérieure qu’à l’extérieure. Les ventilateurs
tournent sans cesse. Les câblages et amas de fils électriques baignent
dans la sueur. L’équipe responsable du centre, Romain, Nicolas Ortiou
(dit Papa), Nicolas, Jérémie et Julien travaillent d’arrache pied à ce
que la salle soit prête pour l’inauguration de samedi.
Hann Bel-Air : salle de classe deviendra salle de formation.
Autre quartier, autre ambiance. Le second centre est hébergé par
l’ORT-SEN, une ONG consacrée à l’Education, partenaire de Bokk Jang et
propriétaire de plusieurs annexes dans Dakar. Un quartier de terre et de
taule plus que de pierre et de sable. Autres couleurs, autres odeurs.
L’annexe d’Hann Bel-Air est accolé à une large route maigrement
goudronnée, en face des citernes Mobil. Il suffit de faire quelques pas,
de rentrer plus en profondeur, pour découvrir des maisons de pêcheurs,
une large plage, la mer. Les pirogues se dispersent par centaine,
ancrées au sable, au milieu de papiers gras, d’amas de poissons morts et
déchets de toute sorte. L’annexe d’Hann accueille déjà un atelier
couture, le bureau du maire de la commune, un dispensaire et une école
maternelle. La direction de l’ORT-Sen a mis une salle de classe à la
disposition d’Afric’Edu- Bokk Jang. Aux murs, empruntes bariolées de
mains minuscules, au sol, petites tables et chaises sur lesquels
Mathieu, Jean, Bertrand, Guillaume puis Thibaud épluchent les premiers
CV des personnes intéressées par la formation. Au devant, un tableau
noir trône où figure, tracé la craie, l’alphabet Wolofs. Une bonne
vieille affiche pour un dentifrice, gondolée aux coins et jaunis par
l’humidité est affichée au fond. Les étudiants d’Afric’Edu aménagent la
salle et commencent l’installation. Imaginez une large cours d’école,
les gosses qui se collent aux vitres, observent curieux les Toubabs. Le
bruit des hurlements, quelques chansons saisies au vol, claquements des
pas des institutrices… La salle d’Hann Bel-Air ne sera pas permanente.
Les enfants sont en vacances, elle sera utilisée le temps de la
formation puis re-déménagement dans une salle cette fois-ci permanente.
Malgré quelques démêlés et maintes palabres avec l’ORT-SEN, ONG
partenaire de Bokk Jang, qui héberge le centre de formation et le cyber,
madame Sylla et Afric’Edu ont posé les choses au clair. Les
tergiversations n’ont finalement pas causé de ralentissement notable sur
leur timing, simplement quelques inquiétudes. Afic’Edu s’est un instant
vu devoir rapatrier tout matériel en une après-midi.
Sélection des formateurs…
Toute la journée de vendredi est consacrée aux entretiens avec les
futurs formateurs. Ils sont une quinzaine en moyenne à postuler dans
chacun des centres. Seuls six sont retenues avec le quota voulu de
quatre filles pour deux garçons. Pour une fois, les étudiants se
trouvent côté « employeur », rôle qu’ils ne semblent pas véritablement
tous apprécier.
Inauguration du Centre de Fass Delorme
Rendez-vous à 10 heures pour l’inauguration. Les membres d’Afric’Edu
attendent une demi-heure, une heure… le temps sénégalais. Les invités
arrivent les uns après les autres, l’assistance se remplie. Doucement.
De plus en plus de bruit de fond, de monde, ne reste plus qu’à attendre
l’arrivé du maire du quartier de Fass Delorme. Les journalistes sont là.
Enfin, le maire prend place, s’assoie à gauche de Madame Sylla, en
costume vert, cravate, une large paire de Rayban qu’il ne quittera qu’au
moment de parler. Il est le seul à être habillé ainsi. Il paraît distant
et ne pas franchement être concerné. Thibaud va parler. Il se tourne
vers moi. « Là je commence un peu à flipper… ». Iba anime la cérémonie.
Thibaud entame les remerciements puis les discours se succèdent.
Monsieur Diop, parrain du projet d’Afric’Edu, le directeur du centre
social, le chef du quartier, responsable de l’association des jeunes
puis Madame Sylla. Acclamation, tonnerre d’applaudissements avant même
qu’elle ne parle. Sûre d’elle, heureuse de voir se concrétiser le
projet, elle salue le partenariat avec Afric’Edu, raconte l’origine du
projet, les lenteurs, les obstacles et l’Aujourd’hui… Cette fois-ci,
Nicolas Pallin se tourne vers moi…les yeux un brin rouge. Dans les mots,
dans l’enthousiasme généré, l’émotion est palpable. Madame Sylla est
soudainement interrompue. Enorme brouhaha de chaises, l’assistance
s’agite, les yeux se tournent vers la rue. « Madame la Ministre est là…
». Madame le Ministre est effectivement là… Maimouna Sourang Ndir,
Ministre du Développement Economique et Social, traverse l’assistance et
vient s’asseoir aux côtés de Madame Sylla. Les discours reprennent… Le
maire s’accapare la parole et en profite pour alpaguer le ministre. Il
fait maintes promesses et justifie ses actions (A priori guère
existantes…) par une foule de… contradictions. La tribune ne cesse de
réagir. Nous apprendrons plus tard qu’il n'est guère apprécié. Madame le
Ministre conclu la cérémonie. Elle affirme son soutien à Bokk Jang,
salue l’initiative des étudiants d’Afric’Edu et fait une promesse de 1
million de francs CFA afin de garantir le fonctionnement de la
structure. Heureuse surprise. Avant de repartir, elle visitera
accompagnée de son garde du corps, les locaux fraîchement installés.
Après deux semaines non-stop, les levés à 7 heures du matin, les rares
couchés avant minuit, toute l’équipe est fatiguée. On s’accorde le lundi
et le dimanche… une partie part pour Saint-Louis et l’autre pour les
îles du Saloum. Histoire de prendre l’air, le large, de souffler un peu…
Retour à l’Université Gaston Berger, sur les traces des Anciens
Il y a deux ans, la bibliothèque de l’université Gaston Berger de
Saint-Louis était la première structure à bénéficier de l’action
d’Afric’Edu. L’équipe de cette année a fait un détour par le campus.
Qu’est devenu le matériel ? Est-il toujours là ? Est-il toujours utilisé
? Petite visite surprise, histoire de voir ce qu’il en est. « Non, mais
ça fait du baume au cœur. Le fait que cela existe toujours, que ce n’est
pas été piqué… ». Un vaste campus au milieu de nul part avec des
bâtiments disséminés aux creux de dunes de sable. Une verdure sèche où
l’air est frais. Un bureau bien gardé. Visite chez le Chef de la
Sécurité et de l’Environnement qui se souvient bien du projet. « Nous
allons pouvoir donner des nouvelles à l’ancienne équipe. Je pense qu’ils
seront contents de voir des photos et de se dire qu’ils n’ont pas fait
ça pour rien et qu’au bout de deux ans ça existe encore… » Grève
administrative, la bibliothèque est fermée. Le responsable de la
sécurité accepte tout de même de nous y conduire. « …les mêmes postes ?
ouais, ouais sûr. Des pentiums 60, enfin des 486 DX2 60 à mon avis. Ce
sont de vieux PC, cela correspond bien à ce qu’il avait récolté il y a
deux ans… » Longue montée de marches pour atteindre l’étage. Silence
solennel. Mathieu et Guillaume reconnaissent le lieu aux photos qu’ils
ont pu voir. La même salle, même piliers blancs au centre… même
disposition des postes en L. Aucun doute. Seize postes bâchés d’une
housse verte « Université Gaston Berger », disposés dans un angle. Sur
chacun des postes, la première équipe avait collé des noms de villes.
Elles y sont toujours. Les étudiants allument un ordinateur. A la vue du
bureau, chargé d’icônes, le matériel demeure encore « copieusement »
utilisé. « Nous avions su qu’il y avait quatre PC qui ne marchaient pas
et dans le coin, nous en avons vu quatre PC…donc depuis deux ans ça n’a
pas trop bougé. Ils n’ont même pas enlevé les quatre PC qui ne
fonctionnaient pas… » Un détail… qu’importe, l’essentiel y est. Alors
que les étudiants petit déjeunent dans un cabanon à deux pas de
l’entrée, qu’ils échangent leurs impressions, trois étudiantes
sénégalaise s’arrêtent, pas tout à fait par hasard, pour échanger. L’une
d’elle nous explique que les postes de la BU restent les plus utilisés
malgré l’implantation d’un CYBER-Centre sur le Campus. Il y a deux ans,
Afric’Edu avait monté les postes sur un Modem, aujourd’hui, l’université
les a connectés à l’ADSL. « Nous serons contents d’avoir la même chose,
un jour ou l’autre en retour. Essayer de reprendre contact…savoir ce que
cela devient… » conclu Thibaud.